Le massif hercynien de Millas

Géologie du massif de Millas

L’histoire des roches qui entourent les villages de Campoussy, Sournia, Trévillach, Rabouillet plus spécialement, remonte à quelques millions d’années, mais avant d’aborder cette période de la naissance des Pyrénées, essayons de nous replacer dans l’histoire de notre univers qui remonte lui à 13,7 milliards d’années d’après les dernières estimations.

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Contexte géologique des Fenouillèdes méridionales

Le Fenouillèdes est situé à l’extrémité orientale des Pyrénées et sa géologie est indissociable de celle de cette chaîne de montagne. Cette région est à cheval entre les terrains hercyniens de la zone axiale et les formations mésozoïques et cénozoïques des zones externes.

La partie méridionale du Fenouillèdes comprend 2 ensembles géologiques très différentes :

-  Au sud, un socle hercynien constitue le soubassement de la chaîne des Pyrénées représenté par le massif granitique de Quérigut-Millas formé vers -300 Ma.

-  Ce socle est bordé vers le Nord par une bande de terrains d’âge secondaire (-250 à -110 Ma) qui s’étire d’Est en Ouest selon la direction générale de la chaîne pyrénéenne.

Ces deux ensembles géologiques sont séparés par une importante faille (Faille Nord-Pyrénéenne) qui s’étire sur 400 km entre la Méditerranée et l’Atlantique et s’enfonce profondément dans la croûte terrestre.

La chaîne des Pyrénées : les principaux ensembles structuraux avec la localisation du massif de Quérigut-Millas et le tracé de la Faille Nord-Pyrénéenne.

Ce massif fait partie du socle hercynien, reste d’une vaste chaîne de montagne érodée il y a 250 Ma. Ainsi, la chaîne varisque (ou hercynienne, terme surtout utilisé en France) s’étendait sur plus de 6000 km de long et 1000 km de large depuis les Appalaches jusqu’au Caucase au sein du super-continent de la Pangée.

Allure de la chaîne varisque (hercynienne) résultant de la collision entre les continents Gondwana, et Laurentia-Baltica pour former le super-continent Pangée.

Le massif de Millas

La couverture méso-cénozoïque pyrénéenne démantelée par les érosions récentes fait apparaître les terrains anciens déformés, métamorphisés et partiellement granitisés à l’Hercynien. Ce socle hercynien, qui appartient à la Zone Axiale, affleure largement dans l’Est des Pyrénées.

Cartographiquement, il forme une ellipse orientée Est-Ouest limité au Nord par la Faille Nord-Pyrénéenne (FNP), au Sud-Est par la faille de la Têt et au Sud-Ouest par la faille de Mosset. Vers l’Ouest, il passe en continuité au massif de Quérigut, dont il partage la même histoire géologique.

Dans sa partie sud, les plutons sont intrusifs dans la série de Jujols, gréso-pélitique, épimétamorphique, d'âge cambro-ordovicien dont il renferme de nombreuses enclaves (septa).

Schéma structural du massif hercynien de Quérigut-Millas et de ses abords 

Essentiellement constitué de roches magmatiques, le massif présente un très bel ensemble de formes granitiques variées. Les granites à gros grains sont très fracturés et par conséquent sensibles à une désagrégation mécanique et une action chimique. Ils se désagrègent rapidement pour donner des sables grossiers, ce sont les arènes. Cette arène est partiellement dégagée par les différentes érosions laissant apparaître des rochers non altérés qui forment le relief chaotique de boules et de tors très caractéristique des modelés granitiques (plateau de Roc-Jalère). En plus de la désagrégation mécanique, les granites altérés près de la surface, sont soumis à une altération chimique par les eaux de pluie agressives. Les minéraux du granite les plus sensibles que sont les feldspaths et les micas sont hydrolysés et oxydés pour former des argiles qui en s’accumulant retiennent l’eau dans des dépressions fermées ou des mouillères.

On retiendra que les différentes morphologies de cette région résultent d’une longue érosion météorique qui s’est exercée sur les reliefs de la chaîne des Pyrénées soulevée, il y a 40 millions d’années.

Les roches du massif de Millas

L’épisode magmatique à l’origine des granitoïdes du massif de Millas (et de Quérigut) s’est produit pendant la dernière phase de déformation hercynienne dans un contexte transpressif avec injection de granodiorites et de monzogranites orogéniques.

Dans le massif, on distingue plusieurs types de granitoïdes dans lesquels sont enchâssées des enclaves (septas) métasédimentaires provenant de son encaissant paléozoïque et partiellement assimilées lors de la mise en place des plutons de l’ensemble Quérigut-Millas. Il comprend également des masses de roches basiques, des filons de microgranite, de quartz, parfois minéralisé, ainsi que des bandes de mylonites, roches résultant d’une transformation par déformation à chaud et broyage lors la mise en place du pluton granitique, mais également le long des grandes failles qui découpent le massif.


Les granitoïdes

Au cours du Carbonifère supérieur (320-300 Ma), l’orogenèse hercynienne est marquée par des déformations, un métamorphisme et un plutonisme qui se succèdent et s'associent de manière très complexe.

Dans un contexte de compression (transpression), le magmatisme a généré plusieurs plutons de granitoïdes organisés suivant un dispositif concentrique, dont la partie centrale est formée par un granite souvent porphyroïde (granite du Pic de Toulouse). Ce cœur est entouré par une enveloppe comprenant :

-          des granites porphyroïdes à mégacristaux centimétriques dit « granite de Roc Jalère »,

-          des granodiorites et des gabbro-diorites localisés sur la bordure sud et à l'Ouest où ils se prolongent dans le massif de Quérigut.

Enfin, l'ensemble est recoupé par de petits massifs lenticulaires, allongés E-W, de granite à texture sub-aplitique dont les plus importants affleurent à l'Ouest de Rodès et à Saint-Michel (près de Sournia).

Le granite central de type calco-alcalin est non orienté et irrégulièrement porphyroïde. C’est un granite à gros grain (pluri-millimétrique), les mégacristaux de feldspath potassique pouvant atteindre plusieurs centimètres.

Le granite de Roc Jalère est un monzogranite à deux faciès, l’un porphyroïde, le second non porphyroïde.

La distinction sur le terrain entre le granite calco-alcalin et le monzogranite porphyroïde qui l'entoure est assez difficile car ils ont très peu de différences (pétrographiques). La distinction a été faite sur la base d’analyses géochimiques (Joly, 1982).

Les masses basiques et les filons

Les masses basiques apparaissent sous deux aspects différents : en masses importantes d'extension kilométrique mais qui peuvent également se présenter sous forme d'enclaves décimétriques à métriques dans les granitoïdes. Ce sont des roches sombres le plus souvent des diorites quartzifères, riches en minéraux ferromagnésiens. 

Le massif est parcouru par de nombreux filons qui, plus résistants à l’érosion, forment souvent des arêtes rocheuses dans la morphologie de blocs arrondis des granitoïdes. Les plus caractéristiques sont les filons de quartz (visibles près de Montalba et de Campoussy) facilement reconnaissables et parfois minéralisés (pyrrhotine, hématite ...). D’autres filons sont constitués de microgranites, d’aplites ou de pegmatites à muscovite et tourmaline en particulier dans la partie sud du massif.

 L’encaissant (Les septas)

Le pluton de Millas, tout comme son voisin, le pluton de Quérigut, se caractérise par la présence en son sein de nombreuses enclaves métasédimentaires provenant de son encaissant paléozoïque. La taille de ces septa varie depuis une échelle métrique à kilométrique et leurs orientations sont parallèles à la foliation magmatique.

D’un point de vue lithologique, on y rencontre fréquemment des micaschistes massifs, assez altérés comportant quelques niveaux quartzitiques. Ces niveaux sont tout à fait semblables géochimiquement aux schistes de Jujols. D’autres lithologies ont été reconnues, ce sont des cornéennes calciques caractérisés par un rubanement fréquent de lits riches en biotite, grenat, épidote ou diopside, des cipolins et marbres ainsi que des quartzites et poudingues polygéniques.

Dans la partie méridionale du massif, des septa de gneiss ont été identifiés dont l’origine n’est pas clairement établie.

 Caractéristiques structurales

Les mylonites

Ces roches résultant d'une réduction de taille de grain d'origine tectonique dans une zone de cisaillement ductile sont relativement fréquentes dans le massif. Elles forment des bandes préférentiellement orientées N110E. Dans le granite, les mylonites sont caractérisées par une schistosité à fort pendage vers le Nord.

Ce complexe plutonique est marqué par les structures de mise en place du magma au comportement ductile générant ainsi une foliation magmatique. La mise en place des plutons s’est produite dans un contexte de transpression, ce qui a généré des zones de cisaillement ductile que l’on retrouve dans les granitoïdes sous forme de mylonites.

L’origine de ces bandes de mylonites semble être double, d’âge hercynien pour une part et pyrénéen d’autre part, leur sens de déplacement étant conforme au champ de contrainte tardi-pyrénéen (N020E).


La fracturation

La fracturation des granitoïdes du massif est très intense car aux déformations hercyniennes se superposent les fracturations tardihercynienne (décrochements) et permienne (failles normales).

De plus, au Mésozoïque et au Cénozoïque, le cycle alpin a non seulement remobilisé d’anciennes fractures mais a créé un nouveau système de fractures se superposant aux précédentes. Dans le massif de Millas, quatre familles principales de fractures ont été identifiées à toutes les échelles. Elles sont de direction N-S, N40E, N90E-N110E, N130E (Arthaud F. & S. Pistre, 1993).

Parmi ces fractures, on distingue deux failles majeures : 

A l’intérieur du massif de Millas, l’analyse de la fracturation a révélé plusieurs types de fracture : microfailles inverses, micro-décrochements, failles normales, fentes et fractures ouvertes.

Carte géologique du massif de Millas-Quérigut

Compilation réalisée à partir des travaux suivants : J.B. Auréjac et al., 2004 : Thèse J.B. Auréjac, 2006 : Thèse J.L. Joly, 1982 : J.J. Lagasquié, 1984 : J. Soliva et al., 1992 : H. Messaoudi et al., 1993 : Carte géologique harmonisée des PO, BRGM, 2009

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-  Les fractures NS : elles sont plus courantes sur le versant sud du massif, et ont surtout une influence sur la morphologie du paysage, leur trajet étant souvent emprunté par de petits ruisseaux. Elles n'ont eu qu'un rejeu apparemment vertical et n'ont induit dans les granites qu'une simple cataclase.

- Les failles N90E-N110E sont des failles majeures découpant des grands blocs dans le massif de Millas avec notamment la grande Faille Nord-Pyrénéenne (FNP) à regard sud et la Faille de Mosset, à regard nord.

-  Les directions N40E-N50E et 130E-140E forment un système de failles sub-perpendiculaires et semblent les plus tardives, car elles peuvent décrocher les failles Nord-Sud. Leur action a dû également se situer à un niveau structural assez superficiel. Les failles N45E ont une extension horizontale assez importante, et se traduisent en photo aérienne par de grands accidents bien visibles.

Ces discontinuités sont le résultat de plusieurs épisodes tectoniques soit en compression, soit en distension.

 Histoire géodynamique

A la fin du Paléozoïque, la collision de 3 masses continentales (Laurentia, Baltica et Gondwana) et la fermeture des domaines océaniques qui les séparaient donnent naissance à la chaîne hercynienne. Les Pyrénées constituent un fragment méridional de la chaîne hercynienne de l’Europe de l’Ouest.

La structuration hercynienne au Carbonifère supérieur est polyphasée et débute par une sédimentation syn-orogénique (Carbonifère -325 à -310 Ma) avec un flysch (faciès Culm), gréso-pélitique et conglomératique, à olistolithes carbonatés.

La phase majeure (-325 à -300 Ma) est marquée par la tectonique, le métamorphisme et un plutonisme qui se succèdent et s'associent de manière très complexe (plis couchés et chevauchements à vergence sud, métamorphisme).

A ces événements, succède une phase tardive marquée par une intense activité magmatique et un métamorphisme de basse pression (-300 à -260 Ma). C’est au cours de cette phase tardive que se met en place le complexe Quérigut-Millas dans un contexte tectonique décrochant dextre.

Le cycle hercynien s’achève au Permien avec le démantèlement de la chaîne dont les dépôts s’accumulent dans des bassins molassiques.

Coupe animée Millas.mp4

Sur la base d'études géologiques du complexe magmatique de Millas (Pyrénées orientales),
un scénario de mise en place des granitoïdes est proposé à travers l'animation ci-dessus.